Signalétiques captcha

L’invention de l’imprimerie a contribué à figer la notion littéraire du texte comme forme essentielle. Apparue en même temps, la typographie s’est substituée à la copie manuscrite. Avec la disparition du manuscrit, ont disparu également les dispositifs inventés par les moines copistes pour rectifier, amender ou falsifier les textes dont ils avaient la charge. Dans son livre Comprendre la typographie, un guide théotrique et pratique, Ellen Lupton cite un livre d'heure du treizième siècle où l'on voit un petit moine qui escalade le corps du texte pour pointer l'endroit où il aimerait bien insérer une phrase rajoutée dans la marge inférieure (on pourrait presque le surplomber d' une bulle « nous y voilà »).



Avec l’apparition du web, de nouveaux types d’erreurs ont transformé notre rapport à la connaissance et notre façon de distinguer le vrai du faux. L’usage massif du copier-coller tend à faire disparaître le contexte initial d’énonciation d’une information ; les falsifications volontaires et leurs corrections sont rendues possibles par le développement des wikis ; mais plus généralement ce sont les moteurs de recherche qui, en réorganisant la connaissance, la transforment, comme l’imprimerie l’avait transformée au XIVe siècle. Surtout l’extraordinaire croissance de la somme des documents disponibles rend caduque toute velléité de contrôle de l’information.
Dans ce contexte, des systèmes se développent qui ont trait à la sécurité des données comme à la possibilité de leur accès. Je pense au web profond ou web invisible, la partie du web accessible en ligne, mais non indexée par des moteurs de recherche classiques. Je pense également aux Captcha, ces petites dérives typographiques qui permettent de différencier de manière automatisée un utilisateur humain d'un ordinateur.

Ces notions renvoient aux signalétiques silencieuses auxquelles je m’étais intéressé lors de mon projet sur la signalétique de Montréal. Des systèmes de résistance aphones qui agissent en quelque sorte contre eux-mêmes, qui cherchent avec force à neutraliser leurs effets, en utilisant la force de leurs effets.

Désédifier






Le principe des petites machines à « désédifier », (le plus souvent un âne, ou une girafe, stylisés) fonctionne un peu à l’inverse du sens commun. Ici l’action défait – je pousse sur le bouton et l’âne s’écroule ; mais ce petit désastre est réversible et ne durera que le temps de ma pression sur le bouton – que je le lâche et le petit âne retrouve sa position initiale. En appliquant ce principe de réversibilité du rapport construction/destruction à ces figures essentielles de notre patrimoine culturel que sont le David de Michelangelo ou la tour Eiffel, je cherche un contre-pied à l’idéal rationnel qui fonde le regard qu'on leur porte.

Si, mais seulement si



Pelote


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Nous y voilà (9)


In Le rendez-vous de Sevenoakes de Floc'h et Rivière