Formation des cadres



À propos de L’Annonciation peinte vers 1470 par Francesco del Cossa, Daniel Arrasse a montré comment l’escargot, « placé entre la limite extrême de l’espace représenté dans le tableau, et le bord ultime de l’espace de présentation d’où il est regardé », pouvait signaler « le lieu de l’échange invisible entre le regard du spectateur et le tableau ».
D’où vient cette obsession particulière qui consiste à montrer absolument le bord ?
Poser la limite entre la représentation et le lieu de la représentation permet d’annoncer que la nature de ce que l’on va voir n’est plus du même ordre, qu’on a changé de niveau logique et qu’il est temps de s’interroger sur la nature de ce passage. L’escargot du peintre montre le bord du cadre, mais il sert surtout à interroger la nature de ce cadre.
Ce dessin s’inscrit dans la continuité de cette pensée du cadre. L’escargot ne signale plus « le lieu d’entrée du regard du spectateur dans le tableau », mais pénètre littéralement la représentation. La trace de bave devient le cerne du doigt. La main présente un escargot qui la signale comme représentation d’une main qui porte un escargot. Cette lente et vague transformation de l’un en l’autre n’est plus le bord de la représentation. La ligne claire, comme limite ontologique, est remise en question. Le cadre n’est plus autour de la proposition artistique, mais intégré en elle, comme digéré par l’escargot. Il n’en perd pas pour autant sa qualité de limite - en ce sens qu’il reste le lieu d’un changement de nature - simplement la limite est partout.